Îles Phi Phi : renaissance écologique et nouveaux modèles pour un tourisme responsable #
Les séquelles du tourisme de masse sur l’écosystème des Phi Phi #
L’essor spectaculaire du tourisme sur les îles Phi Phi s’est traduit par une pression environnementale inédite sur ce territoire insulaire de la province de Krabi. Entre 2015 et 2016, le parc national Hat Noppharat Thara-Mu Ko Phi Phi a accueilli plus de 1,1 million de visiteurs en seulement sept mois, dont près de 77 % étaient étrangers. Cette fréquentation extrême a généré plus de 361,91 millions de bahts (environ 10 millions d’euros) de recettes, mais le revers environnemental a été brutal : disparition accélérée des récifs coralliens, pollutions multiples, saturation des infrastructures de traitement des eaux usées et déchets, et impact profond sur la biodiversité côtière.
- Récifs coralliens : Perte de plus de 80 % des coraux vivants autour de Phi Phi Leh depuis 2005 selon le département des parcs nationaux de Thaïlande.
- Pollution des eaux : Rejets incontrôlés issus des hôtels, bateaux et restaurants, avec des pics d’eutrophisation recensés dès la saison haute.
- Saturation urbaine : Développement anarchique de Phi Phi Don, déficit chronique de gestion des déchets solides et risques d’incendies accrus.
Sur le plan social, la dépendance quasi-totale de la population locale – environ 2 500 résidents permanents – à un tourisme devenu volatile a aggravé la vulnérabilité des habitants. Le film hollywoodien « The Beach », tourné en 1999 à Maya Bay, a amplifié la médiatisation du site et, par là même, la pression anthropique. Cette histoire nous confronte à la nécessité de repenser la croissance touristique pour éviter la perte irréversible d’un patrimoine marin unique.
Initiatives locales : actions concrètes pour la régénération de la biodiversité #
Face à ce constat alarmant, des programmes pionniers voient le jour depuis 2018 sous l’impulsion du Département des parcs nationaux et de la Fondation Ao Nang Marine, spécialisés dans la restauration d’écosystèmes marins. L’archipel bénéficie d’un réseau d’acteurs locaux et internationaux qui mettent en œuvre des solutions concrètes pour recréer les habitats disparus et restaurer la résilience écologique.
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- Programme de replantation corallienne : Partenariat entre la Fondation Ao Nang Marine et Sea Shepherd Global, permettant la fixation de boutures de coraux sur des substrats artificiels. Plus de 5 000 modules coralliens ont été implantés autour de Maya Bay entre 2020 et 2024.
- Centre marin de Krabi : Lancement en 2019 d’un dispositif de suivi de la biodiversité, incluant la reproduction, l’élevage et le relâcher contrôlé de requins bambous et de poissons clowns (Amphiprion ocellaris), essentiels à la régénération des récifs.
- Nettoyages collectifs : Mobilisation mensuelle de bénévoles, écoles et entreprises locales pour le ramassage ciblé de micro-déchets sur les plages et dans les mangroves de Tonsai Bay et Loh Dalum.
Ces efforts s’accompagnent de la mise en place de zones de non-mouillage, de restrictions temporaires à la pêche artisanale et d’une restauration massive de mangroves, couplée à un contrôle strict des accès à Maya Bay depuis sa réouverture conditionnelle en janvier 2022. L’expérience de la fermeture annuelle des îles – de mai à octobre – vise à offrir à la faune marine un temps de répit et favorise la repousse naturelle dans les secteurs les plus sinistrés.
Mobilisation citoyenne et synergie entre résidents et voyageurs #
La transition écologique aux îles Phi Phi ne pourrait aboutir sans une forte implication des communautés locales, appuyées par de nouveaux partenariats avec des ONG d’envergure telles que Green Fins Thailand et Trash Hero. Les journées de nettoyage – organisées chaque mois depuis 2023 – réunissent désormais résidents, guides de plongée, touristes conscients et commerçants autour d’objectifs communs : assainir l’espace public, protéger les mangroves et sensibiliser à la gestion durable des ressources.
- Clubs de plongée écoresponsables : Blue View Divers, opérateur pionnier, a formé ses équipes à la collecte de filets fantômes et à la surveillance de la santé des coraux.
- Hôtels à faible impact : Zeavola Resort, établissement labellisé Green Globe, utilise des technologies de traitement des eaux usées et promeut le zéro plastique.
- Restaurants « slow food » : Acqua Restaurant privilégie l’approvisionnement auprès de pêcheurs locaux certifiés et limite son empreinte carbone.
Ce mouvement ascendant implique la jeunesse locale qui, via les programmes d’éducation environnementale, se mobilise pour un nouveau récit touristique basé sur l’engagement citoyen et la co-création de la valeur écologique. Les actions coordonnées permettent de changer durablement le rapport au territoire, révélant le potentiel d’un tourisme où chacun est porteur de solutions.
Économie insulaire : concilier survie locale et préservation environnementale #
La crise sanitaire mondiale de 2020 a brutalement mis en lumière la fragilité de l’économie des Phi Phi, presque entièrement dépendante du tourisme. Entre mars 2020 et décembre 2021, la chute des arrivées a causé la perte de plus de 80% des revenus directs pour les résidents, selon le Bureau national de la statistique thaïlandais. Ce choc a accéléré la réflexion sur les moyens de garantir la résilience socio-économique sans recourir à une sur-fréquentation délétère.
- Diversification professionnelle : Programmes de formation coordonnés par la Chamber of Commerce de Krabi pour reconvertir les saisonniers (plongée, restauration, guides) vers l’aquaculture, l’agriculture organique et l’éco-construction.
- Développement de l’éco-tourisme solidaire : Mise en place, depuis 2023, de circuits participatifs (« Phi Phi Community Tours ») où les visiteurs contribuent aux opérations de restauration écologique en immersion avec les habitants.
- Micro-financements verts : Application de la plateforme Green Invest Thailand pour soutenir les PME locales investies dans l’énergie solaire, la récupération d’eau de pluie et l’artisanat durable.
Les solutions doivent conjuguer la protection stricte des zones fragiles, la gestion rigoureuse des flux touristiques et la création d’un tissu économique polyvalent, apte à absorber les chocs exogènes. Ce modèle permet d’offrir aux jeunes générations une alternative à l’exode urbain, tout en valorisant l’expertise locale sur le plan écologique.
Perspectives d’avenir : vers un tourisme durable et régénératif aux îles Phi Phi #
Les nouvelles orientations du Département des parcs nationaux de Thaïlande pour l’archipel placent la barre haut : limitation stricte du nombre de visiteurs (quota journalier plafonné à 1 525 personnes pour Maya Bay depuis 2022), introduction de billets électroniques à usage limité et renforcement des contrôles sur les activités marines (snorkeling, jet ski). Cette gestion active du « carrying capacity » vise à préserver les équilibres écologiques tout en maintenant un niveau de vie satisfaisant pour les habitants.
- Développement de séjours participatifs : Formules immersives « Eco-Volunteer » où les voyageurs œuvrent à la replantation de coraux, la restauration de mangroves et l’éducation environnementale locale.
- Partenariats structurants avec des ONG internationales : Multiplication des collaborations avec WWF Thaïlande, OceansAsia et Reef Check Foundation pour auditer, former et certifier la durabilité des opérateurs locaux.
- Adoption de normes internationales : Application des standards ISO 21401 (gestion durable des établissements touristiques) et Green Key pour l’ensemble des infrastructures d’hébergement d’ici 2027.
L’avenir des îles Phi Phi se dessine à l’aune d’un équilibre repensé entre économie et biodiversité. Les acteurs publics et privés s’engagent à élargir la réflexion autour du tourisme régénératif, en s’appuyant sur des solutions technologiques (capteurs environnementaux, analyse de flux), mais aussi en développant une culture de la responsabilité partagée. En tant qu’observateurs engagés, nous estimons que le succès de cette transformation dépendra autant de la volonté politique que de la capacité des visiteurs à adopter une posture respectueuse et proactive.
Plan de l'article
- Îles Phi Phi : renaissance écologique et nouveaux modèles pour un tourisme responsable
- Les séquelles du tourisme de masse sur l’écosystème des Phi Phi
- Initiatives locales : actions concrètes pour la régénération de la biodiversité
- Mobilisation citoyenne et synergie entre résidents et voyageurs
- Économie insulaire : concilier survie locale et préservation environnementale
- Perspectives d’avenir : vers un tourisme durable et régénératif aux îles Phi Phi